Comme tout produit de luxe, la tomate ancienne a ses imitations. Ainsi les tomates aux formes et couleurs étranges qui nous semblent être des cœurs de bœuf, des noires de Crimée, des tomates ananas sont parfois des tomates F1 développées par des semenciers. Que valent-elles ?

Mais d’abord, qu’est-ce qu’une variété ancienne?

Les semences anciennes ne sont pas des variétés intemporelles, issues des terroirs et de la sagesse populaire. Ce sont des variétés sélectionnées par des semenciers depuis le XVII^e siècle – par exemple par la société Vilmorin, fondée sous Louis XVI – d’abord de façon empirique, puis de façon planifiée après les découvertes de Mendel.

Dans les années 1950s, l’agriculture change, et les semences avec elle. A cette époque, les semenciers sont non pas des filiales de l’industrie chimique, mais ses concurrents. Ils développent des variétés plus productives (pour réduire les engrais) et résistantes aux insectes et maladies (pour réduire les pesticides). Pour ce faire, ils croisent les variétés d’alors (maintenant qualifiées de variétés anciennes) avec de variétés sauvages que l’Américain Charles Rick, de l’université Davis de Californie, est allée collecter dans les Andes.

Puis dans les années 1980, les sélectionneurs s’intéressent à nouveau au goût. « Sélectionner en fonction du goût est tout aussi compliqué mais pour d’autres raisons » m’explique Jean-Noël Plagès, sélectionneur chez Vilmorin.  « Nous avons beaucoup de bonnes tomates dans nos collections mais que veut le consommateur ? Chacun a ses préférences et parfois, le consommateur veut des légumes qui n’ont pas trop de goût ! J’avais proposé à un panel de dégustateurs une tomate pour moi délicieuse, mais qui a été jugée d’un gout trop intense ! Il a fallu la croiser avec une variété plus neutre … »

Pour que le consommateur identifie facilement ces nouvelles variétés, les sélectionneurs ont tendance à leur donner l’apparence de tomates anciennes, reconnues pour leur saveur.

Que valent ces fausses tomates anciennes?

Gauthier semence est une société française spécialisée dans les semences potagères. Son catalogue contient 2 variétés de « tomates allongées forme cœur » la catégorie de la cœur de bœuf. L’une, la Cauralina, est décrite comme étant « pleine de saveur », l’autre, la DCC 108, comme « alliant rendement et résistance ». Donc l’une est bonne et l’autre pas, mais visuellement, ce sont les mêmes.

Pire: « Notre meilleure tomate est la Marbone » me confie Frank Juan, responsable marketing chez Gauthier semences. Pourtant c’est une tomate rouge et ronde, rien ne la distingue de sa consoeur premier prix.
Chez les tomates comme chez les humains, il ne faut pas se fier aux apparences…

Alors comment reconnaitre une bonne tomate ?

« Pour reconnaître une bonne tomate, il faut regarder le prix parce que le goût est cher à produire. Les variétés gustatives ont un moindre rendement. » conclut Frank Juan.

Assez discuté : passons à table

J’allais à mon supermarché habituel et achetais un assortiment de tomates :

Ronde (1,99€/kg)
Grappe (1,99€/kg)
Borsalina (3,95€/kg)
Ananas (5,95€/kg)
Roma (1,95€/kg)
Cerise (4,29€/kg)

Le soir, lors de la dégustation en famille, j’insistais lourdement sur le fait que les tomates côtelées et ananas étaient des contrefaçons.

Néanmoins, les avis furent convergents, classant les tomates de la moins chère à la plus chère : les tomates ronde et en grappe étaient fermes mais n’avaient aucun goût. Elles étaient juste acides. Les tomates ananas et côtelées avaient plus de goût, sans être pour autant sucrées comme nous l’espérions. Elles étaient « moelleuses » ou « molles » selon que le dégustateur avait aimé ou non cette consistance. Elles étaient meilleures mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’elles étaient bonnes. Disons qu’au pays des aveugles, les borgnes sont rois.

J’allais ensuite chez un agriculteur organisé en cueillette c’est à dire que chacun va ramasser ses fruits et légumes dans les champs puis les paye. Nous avons fait une nouvelle dégustation avec des tomates ananas, cœur de bœuf (la vraie) et ronde.

La ronde n’était pas mauvaise mais nettement moins sucrée que les deux autres. La meilleure était la cœur de bœuf mais cette fois, on pouvait ajouter qu’elle était délicieusement sucrée.

En effet, outre que ces tomates avaient été cueillies à maturité, elles n’avaient jamais été réfrigérées. Or celles des hypermarché le sont presque toujours, ne serait-ce que dans le camion…

En résumé, une bonne tomate est

– d’une variété sélectionnée sur des critères de goût et non de rendement ou de résistance au transport
– locale (jamais réfrigérée)

ou plus succinctement encore : une bonne tomate est une tomate locale et chère.

Cet article est tiré de mon guide d’achat sur les Fruits et Légumes.
En vente sur Amazon, Fnac ou en  librairie.

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